Comment avez-vous traversé cette période de crise ?

Clairement, elle a été propice à une vraie réflexion de fond. Avant la Covid-19 et depuis la création, il y a plus de 10 ans, de Gourmet Brothers, nous avons connu une croissance effrénée qui ne nous a pas permis de nous poser, de réfléchir à la structuration de l’entreprise. À la base, nous sommes une entreprise artisanale, familiale, qui essaie de placer l’humain au centre. La crise sanitaire a été salvatrice, en quelque sorte. D’abord pour réaffirmer ces valeurs que nous voulons absolument conserver, puis pour mettre en place des procédures de fond et envisager sereinement les développements post Covid-19.

 Benjamin Luzuy avec Gabriella Salvadori de la Ferme des Pralies, un de ses fournisseurs locaux privilégiés 

Qu’est-ce qui vous a fait tenir bon ?

Notre force, c’est d’abord la diversité de nos clients, à la fois corporate et privée, avec qui nous avons maintenu un contact permanent pendant ces deux années. Pendant la crise, et dans la limite des restrictions imposées, nous avons continué à travailler. La solution « chef à domicile », par exemple, a bien fonctionné. Car les privés ont souhaité poursuivre la célébration des moments importants. Nous avons développé, autre exemple, une activité de « paniers cadeaux » pour continuer à offrir des moments de partage et de gourmandise. Et puis, nous avons été très actifs sur les réseaux sociaux. Tout cela a contribué à maintenir un lien fort avec notre clientèle.

La reprise est-elle au rendez-vous ?

Oui, et elle est excellente ! La demande est très forte, plus que nous ne l’attendions. Nous sentons un vrai besoin de recréer un lien en présentiel, de retrouver le sens d’être ensemble. Le succès de Watches and Wonders Geneva, par exemple, qui s’est déroulé du 30 mars au 5 avril dernier, a généré une demande sans précédent. Le temps que nous avons passé, pendant la crise, à nous inscrire le plus et le mieux possible dans les besoins de nos clients et à sourcer les solutions pour les satisfaire, nous ont permis de répondre à cet afflux de demandes, sans renier nos valeurs.

Les demandes de vos clients ont-elles évolué ?

Nous constatons effectivement un changement dans les demandes. L’attention de nos clients se porte davantage sur le plaisir et sur le produit. La nourriture est devenue centrale pendant la crise. On nous interroge beaucoup sur l’origine de nos produits, preuve que les gens veulent s’appuyer sur la production locale. Comme nous nous considérons depuis toujours comme des ambassadeurs de notre terroir genevois, autant vous dire que notre sensibilisation historique au réseau de producteurs locaux est confortée et récompensée ! Autre évolution, nos clients ne cherchent plus l’ostentatoire, mais la gourmandise et le plaisir dans l’assiette, avec une approche plus sensorielle.

 
Prestation traiteur, salon Watches & Wonders 2022 à Genève ©Igor Laski

D’après vous, ces demandes sont-elles conjoncturelles ou bien au contraire, plus durables ?

Nous pensons que c’est une vraie lame de fond, une révolution. Ils recherchent à l’évidence un retour à l’essentiel. La restauration est redevenue un élément central des réceptions privées comme corporate. Si on ajoute à cela, une conscience écologique qui se développe, on est bien sur une tendance forte qui est là pour durer. Notre chef, Benjamin Luzuy, s’inscrit depuis toujours dans cette perspective. C’est aussi pour cette raison que nous essayons de mettre en avant et de dynamiser nos producteurs locaux, en leur donnant par exemple de la visibilité sur notre site Internet, en rédigeant des argumentaires qui racontent leur histoire, avec l’ambition de faire rêver nos clients. Notre démarche n’a pas changé : travailler un produit de qualité voire d’exception de manière créative, en conservant une démarche gustative ambitieuse et en donnant du sens.