Il y a deux ans, personne ne se doutait du traumatisme que le Covid-19 allait provoquer à tous les événements, en particulier culturels. Du 28 juin au 13 juillet 2019, la 53^e édition du Montreux Jazz Festival, affichait fièrement ses artistes renommés, Elton John en tête. Comme le rappelle un article de La Presse, un journal en ligne du Québec, l’événement proposait des concerts dans des salles fermées, dont son vaisseau amiral l’auditorium Stravinsky, réputé pour son acoustique. Le même article évoque déjà la création, cette même année, d’une filiale dédiée à la production de contenus digitaux. Un signe des temps à venir et des changements de modèle.

Les petites jauges remplacent les grandes

Après une année 2020 vierge de tout événement – on sait pourquoi –, les organisateurs ne voulaient et ne pouvaient pas annuler l’édition 2021, qui aurait signifié, peut-être, la fin de ce rendez-vous iconique. Malgré les incertitudes qui persistaient au moment de la décision de monter un festival live, générant une incapacité à pouvoir se projeter, ils ont travaillé, beaucoup travaillé. Comme le raconte The Good Life, l’impérative réinvention s’est focalisée autour de trois valeurs fortes : créativité, réactivité et flexibilité. La scène extérieure, installée sur le lac devant une tribune de 520 places assises, ainsi que d’autres petites scènes annexes, remplacent l’auditorium Stravinsky et ses 5600 fauteuils intérieurs. Ce changement majeur fait que certains artistes voient leurs ardeurs se refroidir, tandis que d’autres sont ravis et se précipitent. La grandeur laisse la place à l’intime. Et on crée une expérience inédite en investissant les spécificités géographiques locales : le lac et les montagnes en arrière-plan.

Montreux Jazz Festival 2021 - "Best of" Semaine 2 

Du live et une accélération de l’exploitation digitale

Les résultats de cette 55^e édition organisée sous contraintes sont rappelés dans un article du site Internet de la RTS : 20.000 billets vendus (mais 40.000 festivaliers) contre 250.000 dans une édition normale ; une occasion impérieuse de renouer avec le public en live, mais aussi avec des audiences distantes, présentes derrière leur écran. Comme le rappelle un article du Figaro, le festival retransmettra désormais en direct les futurs concerts joués lors des prochaines éditions, grâce à un accord pluriannuel avec Qello Concerts by Stingray, le Netflix de la diffusion de concerts, qui fait du live comme du replay. Dans une interview à TV5Monde, Matthieu Jaton, directeur du Montreux Jazz Festival, rappelle aussi que cette crise a favorisé l’exploitation digitale du formidable catalogue de concerts live, l’un des plus grands du monde. Claude Nobs, illustre fondateur de l’événement, a eu la bonne idée de réaliser une captation de tous les concerts du festival, depuis la première édition en 1967 et grâce à un partenariat avec l’EPFL intitulé Montreux Jazz Digital Project cette archive de plus de 11'000 heures de musique live a été entièrement numérisée depuis 2017. Son exploitation excède désormais le seul but de se replonger dans un concert du passé…

La réflexion autour de la réinvention ne fait que commencer…

Le Montreux Jazz Festival poursuit donc sa transition vers un modèle hybride entre concerts live plus intimistes qui en feront des moments uniques et très prisés pour les artistes comme pour les spectateurs et une présence digitale sur toute l’année, grâce à la formidable collection de concerts, dont certains d’ores et déjà cultes, et à la retransmission en ligne des futures éditions. Mais Mathieu Jaton prévient dans son interview donnée au Temps : La réflexion sur le positionnement et les valeurs du festival ne fait que commencer. Il faudra être assurément créatif à la reprise.