Partageons, pour commencer, quelques données factuelles. Augustin de Romanet, Président du groupe ADP (gestionnaire, entre autres, des aéroports de Paris) annonce, dans une interview donnée à Boursorama, que le trafic aérien mondial ne reviendra pas à la normale avant 2024, voire 2027 (sic !), en partie parce que les voyageurs d’affaires vont beaucoup moins bouger. Joël Alexandre, CEO de l’ESICM (European Society of Intensive Care Medicine) et organisateur de congrès, explique, lors de La Page Blanche, que les jeunes médecins ne veulent plus se déplacer sur de longues distances, parce qu’ils considèrent que le voyage est une perte de temps et que l’impact est négatif pour la planète. Carlos Moreno, universitaire, scientifique franco-colombien spécialiste de la smart city, défend la « ville du quart d’heure », c’est-à-dire un territoire où les principales fonctions sociales sont accessibles à moins de 15 minutes à pied ou à vélo…

Mobilité du futur, imaginé par CFF-Immobilier en Suisse

Moins de budget, de fatigue et d’impact négatif…

On pourrait multiplier les prises de parole qui prouvent que la réduction des déplacements de longue distance est une tendance actuelle forte, qui va encore se renforcer. La Covid-19 est passée par là. Elle ne fait qu’accélérer des comportements qui étaient déjà engagés. De la même manière que nous considérons l’authenticité, une valeur en hausse chez les organisateurs de séminaires et d’événements, comme un critère de plus en plus  important dans le choix d’une destination, la proximité entre le centre de décision de l’organisateur (son siège social, son usine…) et le lieu de son événement est une donnée qu’ils vont assurément davantage prendre en compte. Le choix d’une destination proche est une réponse aux défis économiques, sociaux et environnementaux. En optant pour une destination pas trop lointaine, je fais des économies, je ne fatigue pas mes équipes avec du transport à rallonge et j’ai un impact moins négatif sur la planète.

La proximité, c’est aussi le dépaysement

Après, se pose la question légitime de ce qu’est une destination « proche » : à quel kilométrage évalue-t-on cette notion de proximité ? Évidemment, nous n’imaginons pas qu’un groupe puisse faire 15 min à pied ou à vélo pour rejoindre un lieu dépaysant et pouvoir s’y réunir. N’exagérons pas. Mais 2 à 3 heures de déplacement en mobilité douce (comme un train à grande vitesse par exemple, ou du covoiturage) semblent être une durée acceptable par tous et considérée comme raisonnable. Se déplacer, partir, c’est aussi sortir de sa zone de confort. C’est aussi chercher le dépaysement, propice à la réflexion, à la curiosité, voire à l’émotion. Il y a encore quelques années, dans des périodes plus fastes, on n’hésitait pas à emmener ses collaborateurs à l’autre bout du monde, aussi pour les récompenser. La crise sanitaire que nous traversons oblige à plus d’humilité. Ça ne veut pas dire qu’il faut diminuer le besoin d’émerveillement des participants, bien au contraire. Vivre une expérience extraordinaire reste l’objectif, quelle que soit la distance parcourue.

Mont Pilate restaurant, hôtel, salles de réunion

Événementialiser son offre

L’événement de proximité est exigeant. Il n’est pas seulement une réponse ponctuelle à une situation actuelle compliquée. La facilité d’accès et de mise en place d’un protocole sanitaire, la flexibilité, l’impression de n’être « pas très loin » en cas d’évolution rapide d’une situation… Tout cela est certes réconfortant et pourrait être la base d’une confiance retrouvée chez les participants, en premier lieu interne à une entreprise. Mais le contenu de l’événement est toujours autant essentiel à sa réussite. La proposition de valeur doit être au top. Encore plus. Certaines destinations ont d’ailleurs pris en compte cette nouvelle donne, même si aucune étude sérieuse n’est venue mesurer ce tourisme d’affaires de proximité qui semble se développer. Elles essaient aussi d’« événementialiser » leurs offres. À des touristes lointains, on va montrer les deux ou trois éléments phares de son attractivité, que tout le monde localement connaît. Quand on s’adresse à une clientèle de proximité, on doit soigner son offre, sortir des sentiers battus, ouvrir des portes peut-être fermées depuis longtemps, être inattendu ! 

Se révéler à ceux qui croient connaître…

Avec les événements de proximité, on redécouvre simplement le plaisir d’accéder à une destination que l’on croit connaître, mais qui révèle d’autres facettes d’elle-même, qui propose d’autres lieux, fait rencontrer d’autres gens, sans nuire à l’environnement et à ses habitants. Il y a un travail de fond à mener par les destinations touristiques pour appréhender cette nouvelle donne. La Suisse a évidemment débuté ce travail depuis longtemps. Il est évident que pour une entreprise lyonnaise ou rhône-alpine, strasbourgeoise ou du Grand-Est, le pays peut allier proximité, dépaysement et expérience inédite…

Dîner dans un téléphérique, Rigi - Suisse Centrale